Contrainte règlementaire assortie d’une date butoir quelque peu challenging, la dématérialisation de la facturation est un tournant majeur pour beaucoup d’entreprises qui au-delà de la nécessaire mise en conformité, ont ici l’opportunité de se transformer en profondeur. Une perspective prometteuse mais encore peu exploitée.
Jérôme Goy, membre du réseau Colibee et Directeur de projet SI Finance, partage avec nous son point de vue sur le sujet.
Le compte à rebours est lancé. Au 1er juillet 2024, la mise en conformité concernera les factures entrantes pour l’ensemble des entreprises et les entreprises auront jusqu’en janvier 2026 pour régulariser le traitement de leurs factures sortantes selon leur taille. La priorité est donc à l’échéance la plus proche, laquelle est d’ores et déjà un défi de taille. Cette obligation fiscale est une nouvelle étape dans la digitalisation des processus, obligeant les entreprises à la faire remonter « tout en haut de leur liste de projets transformation » explique Jérôme Goy, Consultant Colibee et Directeur de projet SI Finance.
Toutes les sociétés n’ont pas nécessairement besoin de tout révolutionner. Pour certaines, « se créer un accès au PPF (Portail Public de Facturation) sera déjà suffisant afin d’être en règle » poursuit notre expert. Néanmoins, un tel changement constitue aussi une occasion de moderniser plus largement toute la chaîne achat. Entre le rapprochement de factures et de commandes, la comptabilisation des factures ou le déploiement d’un portail fournisseurs, la dématérialisation offre de nombreuses opportunités d’amélioration et d’automatisation des processus.
C’est avec cette intention et ces solutions que Jérôme Goy accompagne un acteur de la santé souhaitant moderniser sa fonction financière pour soutenir sa croissance et se mettre en conformité. Dans certains cas « la dématérialisation apporte de vrais gains de productivité. Cependant, selon la taille, le secteur et le niveau d’ambition de l’entreprise, son but peut être tout autre » analyse-t-il.
Pour son client, l’analyse de l’ensemble applicatif existant ainsi que des contraintes inhérentes au secteur de la santé lui a permis de mettre en place une stratégie de dématérialisation à même d’améliorer la productivité. Mais cet objectif n’est possible que dans « des contextes à forte volumétrie. Les plus petites structures viseront davantage une sécurisation des flux et une plus grande fluidité de traitement » ajoute notre expert. Dans tous les cas, et dans un contexte de pénurie de ressources comptables, la dématérialisation soulage les équipes. Elle leur permet de se concentrer sur des tâches qu’elles avaient parfois délaissées par surcharge de travail.
A l’heure actuelle, les directions financières n’ont d’autre choix que de s’approprier cette obligation légale et d’entamer les transformations au sein de l’entreprise. Il s’agit là d’une gestion de projet nécessitant une gouvernance resserrée et des arbitrages adéquats. Mais au-delà de l’aspect stratégique et financier, le volet humain est tout aussi primordial pour que chaque collaborateur puisse intégrer au mieux ces changements.
En effet, les projets de digitalisation « doivent rendre service sans perturber l’ensemble de la chaîne achats ou clients » alerte Jérôme Goy. Parfois perçues comme surdimensionnées et complexes, ces transformations bouleversent des fonctionnements déjà bien établis. La pédagogie et la formation sont donc essentielles. Il faut pouvoir expliquer aux équipes concernées quels seront les apports de la/des solution(s) déployée(s) tout en prenant soin de les accompagner tout au long de cette période de transition.
Au regard des ramifications d’un tel projet, les entreprises s’interrogent pour profiter de cette obligation légale en allant plus loin dans leur roadmap de transformation. Si l’urgence contraint nombre d’entre elles à aller au plus simple, il est également important de préparer l’avenir en examinant les perspectives à moyen/long terme. La dématérialisation implique le traitement de données structurées. Lesquelles peuvent être utilisées dans bien des cas et notamment pour piloter l’activité. Pour l’heure, « encore trop peu d’entreprises envisagent d’étendre et de coupler leur réflexion à d’autres solutions comme le RPA, l’IA ou la Business Intelligence pour aller plus loin dans l’automatisation et le pilotage des processus, comme celui du risque client pour ne citer que cet exemple » constate notre expert.
Avec une réelle politique de gouvernance des données, les directions financières pourraient également soutenir davantage les directions commerciales, opérations et achats afin d’améliorer la relation client et celle avec les fournisseurs. Un potentiel et un avantage compétitif certains mais qui restent peu explorés, les entreprises n’ayant pour le moment d’autre objectif que d’être en règle au 1er juillet 2024.
Le rôle de la Direction des Systèmes d’Information (DSI) n’a jamais été aussi central. Que ce soit pour la mise à disposition de solutions collaboratives adaptées aux nouveaux cadres de travail distant, pour l’automatisation de processus métier ou la prise en compte des nouvelles cyber menaces, les entreprises se doivent d’évoluer et d’adapter leurs ressources informatiques. Une transformation digitale continue impose aux équipes en charge des SI d’être continuellement à la page sur ces enjeux. Or nous le savons tous, le recrutement de nouvelles expertises technologiques est de plus en plus complexe…